Les Dalhias 1921 Huile sur toile © Archives du Catalogue Général Raisonné de l’Oeuvre de Foujita, Paris 2021

Il y a cent ans en 1921, Foujita mettait au point une technique  révolutionnaire à ses yeux : enduire le fond de la toile de ses peintures à l’huile d’une épaisse pâte blanche d’aspect lisse et blanc qui lui permette de tracer sur cette surface lisse, mais aussi poreuse que du papier japonais, des lignes fines au pinceau très fin avec de la couleur noire diluée à l’huile ou à l’eau. Il put ainsi dessiner à la pointe de son pinceau des contours d’une finesse et d’une précision remarquable, notamment ceux des anatomies féminines. Mais pas seulement puisque les animaux, les enfants et les fleurs sont aussi ses thèmes de prédilection et qu’il excelle à les décrire jusque dans les moindres détails.

Je me suis rendu compte que j’avais été prisonnier de l’enseignement de mes professeurs. À propos de la couleur noire, mes prédécesseurs avaient déjà fait le maximum, donc je ne les aurais jamais dépassés. Aussi, je me suis attaqué au blanc qui est le contraire du noir. Le blanc est surtout utilisé dans le clair-obscur, les reflets et pour exprimer la perspective mais moi, ce blanc, j’ai voulu l’utiliser en tant que tel sur ma toile, en exprimer la beauté. [Foujita – Son exposé aux étudiants de l’École des Beaux-Arts de Tokyo, en 1929.]

Cette couche de couleur blanche laiteuse que Foujita étale sur sa toile a pour nom japonais hakushoku – 乳白. Elle a la couleur du lait qui, au Japon, est celui extrait du soja. Avant d’arriver à Paris, le peintre ne boit que ce lait végétal, moins gras, aussi nourrissant, qui devient tofu – de même couleur – après coagulation.[1] Le tofu a justement la couleur claire des fonds de la peinture de Foujita. La couleur est en effet plus ambrée que celle du lait de vache. La consistance plus épaisse, crémeuse. Foujita la laisse largement apparaître une fois le tableau fini. Il aime ce fond blanc, il ne l’occulte pas. Il respire et la peinture vit !

[1] Le tofu date de 164 ans avant J.C. Le philosophe chinois, politicien, alchimiste et taoïste, le seigneur Liu An de Juai-Nan, en est l’inventeur. Le tofu  enrichit le régime végétarien de ses amis taoïstes.